LA PREMIERE DES 50
1971
Dans nos petits villages les distractions sont peu nombreuses ; hormis le cinéma et les bals du samedi soir, il n’y a pas grand-chose à faire. Pas que nous ne soyons pas occupés, car les uns travaillent et les autres sont encore à leurs études et puis, pour la majeure partie les parents sont agriculteurs ou tout au moins ont un petit train de culture, alors, on occupe les plus jeunes . . .
Cependant nous aimerions faire autre chose. Mais quoi ?
Avec Anne-Marie (Annie) Grosjean et son frère André (Dédé), nous décidons de monter une troupe de théâtre. Pourquoi le théâtre me direz-vous ? Eh bien, parce que . . . parce qu’une institutrice bienveillante, Mme Scheubel avait eu l’idée de monter un petit spectacle, chaque année pour Noël, que nous présentions aux habitants de la commune, mais aussi à ceux des communes voisines. Ce petit spectacle composé de chants, de comptines, de danse, de sketchs était un évènement et pour rien au monde nous n’aurions voulu ne pas en être.
Alors, c’était décidé nous allions nous lancer dans une aventure théâtrale . . . sans nous soucier des difficultés qui nous attendaient . . . fort heureusement !
Après avoir pris contact avec la F.O.L. (Fédération des Œuvres Laïques) à Vesoul, nous avons été pris dans un « engrenage » qui nous a forcé à aller de l’avant.
Il fallait alors et très rapidement rassembler les jeunes et les inviter à une première réunion, il fallait trouver un lieu, constituer une association et trouver de l’argent.
Le lieu : Ce sera à l’ancienne école de La Bruyère-le-Bas (La Bruyère-Village aujourd’hui) inoccupée depuis une année et que la municipalité nous autorise à occuper. Nous utiliserons encore le gros fourneau rond central pour chauffer les lieux ; il sera simplement un peu déplacé pour libérer la place nécessaire à l’implantation des décors.
Parallèlement, nous entreprenons la réfection de cette salle ; la municipalité nous achète la peinture, nous faisons le travail, ajoutons des rideaux (en plastique rouge !!!) quelques bancs en bois et des étagères confectionnés par François Demougin, menuisier et membre de la troupe.
Le « recrutement » : Avec Annie nous entreprenons de prendre contact avec toutes les familles de La Bruyère, mais aussi d’Esboz-Brest où il y a des jeunes âgés d’au moins 13 ans. La première réunion rassemblera un peu plus de 50 personnes.
L’association : Elle prendra le nom de Troupe Théâtrale Les Bruyères ; j’en serai le président avec quelques difficultés avec la préfecture car je ne suis pas encore majeur.
L’argent : Annie et moi-même avançons les premiers frais ; puis nous décidons d’organiser une petite kermesse avec jeu de quilles, buvette et stands divers ; ce qui nous permettra de récolter un pécule qui nous permettra de financer toutes les dépenses nécessaires à la mise en place de l’activité.
Le choix de la pièce : Nous n’y connaissons RIEN, nous prenons rendez-vous à la F.O.L. qui possède une collection de pièces de théâtre. Nous empruntons quelques manuscrits et nous choisissons une comédie des années 50 : Trois chapeaux claque.
A l’époque, pas de photocopieuse et il fallait autant de livrets que d’acteurs alors avec Annie nous entreprenons un long et fastidieux travail de dactylographie pour recopier le texte sur des stencils à alcool. Puis Annie assurera la reproduction des pages dans l’entreprise où elle travaille. Ce ne sont pas des impressions de luxe, mais elles suffiront pour l’apprentissage des textes.
Les décors : Gaston Meunier, jeune retraité de la police municipale de Luxeuil, habitant depuis peu à La Bruyère se propose de construire les décors (il adore la menuiserie . . .) Bref c’est décidé, il confectionnera une vingtaine de châssis (2m x 0.53 . . . très précisément car c’est la largeur d’un rouleau de papier peint !!!) sur lesquels nous tendrons des toiles, humidifiées auparavant) ; après séchage nous pourrons les tapisser.
Les châssis sont maintenus entre-eux par des boulons et le tout est renforcé par un grand nombre d’équerres fixées au sol . . . Quelque chose de très simple à priori . . . mais qui nous donnera pas mal de sueurs au montage . . .
Les lumières : Pour l’éclairage, nous avons confectionné 4 rampes de lumière ; en réalité chaque rampe est constituée de deux bandes d’isorel montées à l’équerre, dont l’intérieur a été recouvert de papier aluminium. 4 ampoules complètent le dispositif ; le tout commander par une boîte en bois surmontée de 4 interrupteurs (vous savez, les ronds en bakélite . . . clic . . . clac !!!) Si on peut faire plus simple, il faut alors me le faire savoir . . .
Les costumes : Gaston (toujours lui) a trouvé un grand stock de vêtements – surtout féminins- qui datent et ne sont plus à la mode depuis quelques décennies ; un peu customisés, ils feront notre bonheur. Pour le reste, c’est la débrouille avec les fonds d’armoires de nos familles et connaissances.
Les répétitions : Elles sont intensives, bien souvent le samedi soir et le dimanche après-midi . . . C’est compliqué pour tous, le texte est plutôt long, les « acteurs débutants » pas à l’aise.
Tant bien que mal, les répétitions avancent, les décors prennent forme, les costumes sont trouvés, les acteurs assurent au mieux.
1972
Après les répétitions intensives de l’automne et de l’hiver, le printemps marquera nos véritables débuts sur scène. La première aura lieu à Lantenot, à la salle des fêtes.
Le transport des décors sera fait par Jacques (Jacky), mon frère, avec sa voiture et sa remorque et aussi dans nos coffres personnels.
Lantenot : nous arrivons vers 14 h, déchargeons le matériel et en commençons le montage. Ensuite, il est prévu une répétition (qui n’aura jamais lieu !!!) puis un temps de repos pour nous restaurer (il sera de très courte durée) puis arrive l’heure de nous mettre en costume et nous maquiller . . . 21 h, le public est au rendez-vous, impatient de nous voir (il y a bien sûr nos familles).
Cependant les décors ne sont pas encore finis de monter, il reste encore quelques jambes de force à fixer au sol . . . Tant pis nous commencerons pendant que les monteurs donneront les derniers coups de clé ou de tournevis. C’est un peu le bazar, d’autant que les acteurs sont morts de trouille (une première fois, ça se comprend !!!).
Bref et ouf, la représentation peut commencer . . . elle sera suivie par 2 ou 3 autres (si ma mémoire est bonne).
Quelle aventure !
Malgré ce contexte, la troupe s’amuse . . . peut-être un peu trop pour une première année.
- Nous devions sonoriser quelques passages dansés ; pour ce faire nous utilisions un tourne-disque ; Le plateau de scène étant plus sensible aux piétinements, cela faisait dérailler le bras et . . . après un désagréable « scratch », le morceau musical était brusquement interrompu au grand désarroi des danseurs.
- Lors d’une scène, un acteur, en l’occurrence votre serviteur, arrive dans une chambre d’hôtel et déballe sa valise. Il en sort un gros réveil à pieds . . . jusque-là, tout est normal ; Sauf qu’au moment de poser le réveil sur la table de nuit, celui-ci roule immédiatement à terre . . . pas de panique, il faut se calmer . . . je reprends le réveil, le pose à nouveau sur la table de nuit, et, . . . il tombe à nouveau . . . une troisième tentative sera suivie du même effet . . . avant de m’apercevoir qu’un petit farceur avait ôté les pieds du réveil . . . à plat, cette fois il tiendra, mais ce sera plus difficile pour lire l’heure.
- Une autre fois, dans cette même pièce, un acteur devait trouver une tapette à souris, qui, bien sûr, n’était pas à sa place . . . fort heureusement une livraison expresse par les airs a remédié à cet oubli. Rires des spectateurs qui n’avaient jamais vu une tapette volante . . .
- Un rôle de chasseur avec ses trophées, en l’occurrence quatre beaux lièvres suspendus à sa ceinture. Nous avions réquisitionné quatre belles peaux de lapins, savamment rembourrées avec de la paille . . . l’illusion était là . . . sauf qu’au bout de plusieurs mois de répétitions, une odeur pas très agréable se dégageait de nos bestioles qui perdaient aussi leurs poils.
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